LES ENSEIGNANTS DU PUBLIC ET LA LAÏCITÉ
Alors que les atteintes à la laïcité à l’école sont une nouvelle fois très présentes médiatiquement, avec notamment la polémique autour des abayas, l’IFOP a interrogé pour le Comité National d’Action Laïque les enseignants du public (du primaire au lycée) sur la thématique. Il en ressort une crispation sur la laïcité à l’école, avec notamment une recrudescence des incidents, mais également le constat que l’enjeu est bien identifié par l’Éducation Nationale qui s’efforce d’agir (surtout au travers de formations sur le principe de laïcité à la fois plus nombreuses et de meilleure qualité).
La définition du principe de laïcité ne fait pas l’unanimité. En effet, la moitié (51%) des enseignants citent comme définition la plus juste au sein d’une liste le fait que la laïcité se trouve être « la garantie par la République de la liberté de conscience de chacun ». Sur la même question, en 2018, c’étaient 56% des enseignants qui reliaient cette définition à la laïcité (soit une baisse de 5 points). Par ailleurs, 43% définissent la laïcité comme « la neutralité de l’État par rapport aux religions et aux partis politiques », ce qui représente une baisse de 11 points par rapport à 2018.
Par ailleurs, la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, fait encore l’objet de contestations. Une majorité (57%) des enseignants affirme qu’elle est l’objet de contestation de la part de certains parents d’élèves, soit une forte augmentation de 21 points par rapport à 2018. Dans le détail, on remarque que ce sont surtout les enseignants provenant des établissements REP qui sont d’accord avec cette affirmation (53%). 57% déclarent en outre que les contestations proviennent surtout de certains élèves, soit une progression de 19 points par rapport à 2018.
Parmi les enseignants qui ont répondu que cette loi fait l’objet de contestation parmi les élèves,
31% précisent que des procédures disciplinaires ont été engagées par la suite, soit une hausse de
15 points par rapport à 2018 (et donc une proportion qui a doublée). La moitié (53%) des enseignants expriment également que des enseignements font l’objet de contestations dans leur école ou établissement scolaire, soit une nette augmentation de 25 points par rapport à 2018 (38%). C’est même le cas de 69% des enseignants en REP.
Au vu de ces risques de contestations, l’auto-censure des enseignants est en progression. En effet, près de la moitié (48%) des enseignants disent s’être déjà auto-censurés dans l’enseignement de la laïcité, de l’esprit critique, ou de la liberté d’expression pour éviter de possibles incidents provoqués par certains élèves, soit une hausse de 11 points par rapport à 2018.
Signe que le sujet est pris au sérieux et des efforts fournis, les formations au principe de laïcité sont de plus en plus répandues et de mieux en mieux perçues en termes de contenu. En majorité, les enseignants qui ont reçu une formation pour enseigner la laïcité estiment que leur formation initiale est de bonne qualité (67%) soit une importante hausse de 20 points par rapport à 2018. Parallèlement, seuls 19% des enseignants ont déjà bénéficié d’une formation continue sur la laïcité, une proportion néanmoins triplée depuis 2018 (6%). Et parmi ces 19%, une large majorité (79%) se dit satisfaite de la formation suivie.
Malgré ce point positif, et même si une majorité des enseignants pensent qu’au cours des cinq dernières années le climat scolaire autour de la laïcité dans leur école ou leur établissement scolaire est resté stable (63%), un cinquième (22%) pense qu’il s’est dégradé et seuls 5% estiment qu’il s’est amélioré. En définitive, plus des deux tiers (70%, dont 21% « tout à fait ») des enseignants pensent que la laïcité est aujourd’hui en danger en France, soit une nette augmentation de 11 points par rapport à 2018.